Jean Paulhan, né à
Nîmes (Gard) le
2 décembre 1884 et mort à
Paris le
9 octobre 1968, est un écrivain, critique et éditeur
français, animateur de la Nouvelle Revue française (NRF) de
1925 à
1940 et de
1953 à
1968.
Biographie
Fils du philosophe Frédéric Paulhan, Jean Paulhan étudie la psychologie française dans le sillage de
Pierre Janet et de
Georges Dumas. Il participe à des revues de philosophie, comme "La Revue philosophique de la France et de l'Étranger" ou de sciences sociales, comme "Le Spectateur". Il fréquente assiduement les milieux anarchistes, et s'intéresse déjà aux lieux communs et aux proverbes, thèmes auxquels il pense consacrer sa thèse. A la fin de 1907, il part pour Madagascar, où il enseigne le français, le latin et parfois la gymnastique au lycée de
Tananarive (Madagascar), colonie française à l'époque. C'est là qu'il recueille des textes populaires malgaches, les
Hain-teny, qui prolongent sa réflexion sur la logique de l'échange.
De retour en France à la fin de 1910, il donne un temps des cours de langue malgache à l'École des langues orientales. Surtout, il fait paraître en 1913, chez l'éditeur Paul Geuthner, le recueil de poésies populaires malgaches qui le fait connaître auprès des écrivains, notamment de Guillaume Apollinaire.
À la déclaration de la guerre, il est affecté au 9e Zouaves, où il obtient le grade de sergent. Il est blessé pendant la nuit de Noël 1914. Cette expérience, au cours de laquelle il découvre en lui un patriotisme qu'il ne se connaissait pas, l'incite à prendre les notes qui deviendront son premier récit publié, "Le Guerrier appliqué", modèle de tenue stylistique et mentale devant la catastrophe, et sur lequel Alain et Paul Valéry ne tarissent pas d'éloges.
Après la guerre, il se lie avec Paul Éluard et André Breton, mais devient en 1919 le secrétaire de Jacques Rivière, à la N.R.F.. Il contribue à organiser le Congrès de Paris sur les directions de l'esprit moderne, participe à la revue pré-surréaliste Littérature et fait surtout, à la N.R.F., le plein apprentissage de la direction de revues. Le pluriel s'impose, tant Paulhan aura veillé à conserver plusieurs revues à sa main : "Commerce", "Mesures" et "Les Cahiers de la Pléiade". Gestion des abonnés, alimentation des rubriques, contact avec les écrivains, ses activités à La N.R.F. forment le creuset d'une activité littéraire et éditoriale exceptionnelle. Après la mort de Jacques Rivière, emporté par la grippe en février 1925, il incarne naturellement, aux yeux de Gaston Gallimard, le point d'équilibre entre expérience et modernisme.
De 1925 à juin 1940, Jean Paulhan dirige donc la principale revue littéraire d'Europe. Les années qui suivent sont écrasantes, mais d'une grande richesse intellectuelle et humaine. Paulhan y pratique l'amitié, et observe l'attitude, faite de haine et d'amour, des écrivains devant le langage. Il appelle "Rhétoriqueurs" ceux qui font confiance dans la capacité du langage à exprimer ce qu'ils ont à dire, et à l'inverse "Terroristes" ceux qui voient d'abord dans le langage un obstacle à l'expression.
Dès juin 1940, il pose les fondations spirituelles d'une résistance française. En juillet de la même année, il tente de persuader ses amis de l'échec inévitable de toute collaboration. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il entre dans une clandestinité partielle et fonde la revue "Résistance", puis, avec Jacques Decour, les Lettres françaises. Il soutient les Éditions de Minuit fondée par Jérôme Lindon qui publient clandestinement Le Silence de la mer de Vercors. Ses activités sont connues des Allemands et lui valent une première arrestation, dont il ne réchappe que par la protection du collaborateur Pierre Drieu la Rochelle, puis la tentative d'une seconde, qui l'oblige à se sauver par les toits, et à se cacher jusqu'à la Libération.
Après la Libération, il accepte de participer à la revue dirigée par Jean-Paul Sartre, Les Temps modernes, mais sous le pseudonyme de Maast. L'évolution du Comité national des écrivains, initialement organe de résistance des écrivains et des intellectuels français, qui s'assigne pour tâche, sous la férule de Louis Aragon, une épuration de la littérature française, oblige Jean Paulhan à remettre en cause le principe d'une épuration et à prendre la défense d'écrivains « collaborateurs », non pour les justifier, mais pour leur permettre d'être à nouveau publiés. Il dénonce alors les « vertueux » résistants littéraires de l'après-guerre devenus censeurs, notamment dans sa Lettre aux directeurs de la Résistance et ose publier à nouveau Louis-Ferdinand Céline.
Il reprend la direction de la NRF après que celle-ci a été autorisée à reparaître, d'abord en janvier 1953, sous le titre "Nouvelle Nouvelle Revue française", puis sous son titre initial, à partir de janvier 1959. Mais sa collaboration avec Marcel Arland devient de plus en plus tendue. Sans abandonner le terrain de la littérature contemporaine, il travaille surtout à ses oeuvres complètes, qui seront publiées, dans leur première édition, chez l'éditeur Claude Tchou, de 1966 à 1970. Il est élu membre de l'Académie française le 24 janvier 1963 par 17 voix contre 10 pour le duc de Castries.
Son oeuvre comporte des récits et des écrits sur l'art (le Cubisme et l'Art informel) mais c'est surtout pour ses essais sur le langage et la littérature qu'il a acquis sa célébrité : Les Fleurs de Tarbes ou la Terreur dans les lettres, À demain la poésie, Petite Préface à toute critique. Si une grande partie de son immense correspondance reste inédite, son dialogue avec Paul Éluard, André Suarès, François Mauriac ou Francis Ponge est déjà accessible, comme ses lettres écrites de Madagascar (1907-1910). Ce sera aussi prochainement le cas, par exemple, de ses correspondances avec Franz Hellens, Marcel Jouhandeau, André Lhote (2008) ou Jacques Rivière. Les archives de Jean Paulhan sont déposées à l'Institut mémoires de l'édition contemporaine. Par un juste retour des choses, le premier volume de ses oeuvres complètes est paru en 2006 chez Gallimard, dans une édition établie par Bernard Baillaud. Six autres volumes suivront.
Jean Paulhan était Grand officier de la Légion d'honneur, Croix de guerre 1914-1918, Médaille de la Résistance.
Citation
- « Tu peux serrer une abeille dans ta main jusqu'à ce qu'elle étouffe, elle n'étouffera pas sans t'avoir piqué, c'est peu de chose, mais si elle ne te piquait pas, il y a longtemps qu'il n'y aurait plus d'abeilles. ».
OEuvres
- Les Hain-Tenys Merinas (Geuthner, 1913 puis 2007)
- Le Guerrier appliqué (Sansot, 1917 ; Gallimard 1930 puis 2006)
- Jacob Cow le Pirate, ou Si les mots sont des signes (1921)
- Le Pont traversé (1921 puis 2006)
- Expérience du proverbe (1925)
- La Guérison sévère (1925 puis 2006)
- Sur un défaut de la pensée critique (1929)
- Les Hain-Tenys, poésie obscure (1930)
- Entretien sur des faits-divers (1930, 1945)
- L'Aveuglette (1952)
- Les Fleurs de Tarbes ou La terreur dans les Lettres (1936, 1941)
- Jacques Decour (1943)
- Aytre qui perd l'habitude (1920, 1943, puis 2006)
- Clef de la poésie, qui permet de distinguer le vrai du faux en toute observation, ou Doctrine touchant la rime, le rythme, le vers, le poète et la poésie (1945)
- F.F. ou Le Critique (Gallimard, 1945 puis Éditions Claire Paulhan, 1998)
- Sept causes célèbres (1946)
- La Métromanie, ou Les dessous de la capitale (1946 puis 2006)
- Braque le Patron (1946)
- Lettre aux membres du C.N.E. (1940)
- Sept nouvelles causes célèbres (1947 puis 2006)
- Guide d'un petit voyage en Suisse (1947 puis 2006)
- Dernière lettre (1947)
- Le Berger d’Écosse (1948 puis 2006)
- Fautrier l'Enragé (1949)
- Petit-Livre-à-déchirer (1949)
- Trois causes célèbres (1950)
- Les Causes célèbres (1950 puis 2006)
- Lettre au médecin (1950 puis 2006)
- Les Gardiens (1951 puis 2006)
- Le Marquis de Sade et sa complice ou Les revanches de la Pudeur (1951)
- Petite préface à toute critique (1951)
- Lettre aux directeurs de la Résistance (1952)
- La Preuve par l'étymologie (1953)
- Les Paroles transparentes, avec des lithographies de Georges Braque (1955)
- Le Clair et l'Obscur (1958)
- G. Braque (1958)
- De mauvais sujets, gravures de Marc Chagall (1958 puis 2006)
- Karskaya (1959)
- Lettres (1961)
- L'Art informel (1962)
- Fautrier l'enragé (1962)
- Progrès en amour assez lents (1966 puis 2006)
- 226 Lettres de Jeaun Paulhan, Contribution à l'étude du mouvement littéraire en France 1963-1967, Klincksieck, 1975.
- Choix de lettres I 1917-1936, La littérature est une fête" (1986)
- "Choix de lettres II 1937-1945, Traité des jours sombres" (1992)
- Choix de lettres III 1946-1968, Le Don des langues (1996)
- La Vie est pleine de choses redoutables (Seghers puis Claire Paulhan, 1990)
- "Lettres de Madagascar, 1907-1910", Éditions Claire Paulhan (2007)
- "OEuvres complètes", édition établie par Bernard Baillaud, tome I, Gallimard (2006).
Liens externes
Références